10 Oct Alisi Telengut
Alisi Telengut est une artiste canadienne d’origine mongole. Elle crée des films d’animation par technique d’image par image, ainsi qu’avec des techniques mixtes pour générer du mouvement, et explore des visuels faits à la main et en peinture pour ses oeuvres. Son travail a été projeté et exposé à l’échelle internationale, notamment à la Biennale du Whitney (États-Unis), à l’Academy Museum of Motion Pictures (États-Unis), au Sundance Film Festival (États-Unis), au TIFF et au TIFF Canada’s Top Ten (Canada), au Festival international d’animation d’Annecy (France), à la Biennale VIDEONALE au Kunstmuseum Bonn – Musée de la peinture et de l’art contemporain de Bonn (Allemagne), Biennale OSTRALE (Allemagne), Anthology Film Archives (États-Unis), Centre culturel canadien de l’Ambassade du Canada en France, CICA Museum – Czong Institute for Contemporary Art (Corée du Sud), Zollverein (Allemagne), site du patrimoine mondial de l’UNESCO, Images Festival (Canada), Image Forum (Japon).
Telengut a été nominée aux Canadian Screen Awards et a remporté le Prix Iris des Québec Cinéma Awards dans la catégorie Meilleur film d’animation. Son travail a reçu de nombreux prix et nominations internationaux, notamment le prix du meilleur court métrage au Stockholm Film Festival (Suède), le prix du meilleur film d’animation au Mammoth Lakes Film Festival (États-Unis) et au Brussel Independent Film Festival (Belgique), ainsi que le prix du jury à l’Aspen Shortsfest (États-Unis). Son travail a non seulement été présenté comme des œuvres d’art d’animation et d’image en mouvement avec un style visuel unique, mais a également contribué à la recherche ethnographique et ethnoculturelle. Son travail récent a été ajouté à la collection permanente d’Art Science Exhibits (États-Unis/Allemagne), qui représente l’avant-garde de la création artistique avec un dévouement à l’action positive pour le rétablissement de la Terre.
Telengut est nouvellement embauchée en tant que professeure adjointe en animation de film, à la Mel Hoppenheim School of Cinema, à la faculté des beaux-arts de l’université de Concordia (Canada). Elle a été conférencière invitée/Gastdozentin dans le domaine de l’image en mouvement à l’Université des arts de Berlin – UdK (Allemagne). Elle prépare un doctorat en recherche scientifique et artistique (wissenschaftlich- künstlerische Forschung) à la Filmuniversitaet Babelsberg Konrad Wolf (Allemagne). Elle a obtenu une maîtrise en arts plastiques, option production cinématographique, et une licence en arts plastiques, option animation cinématographique, à l’université Concordia (Canada). Ses recherches et sa pratique ont été soutenues par des subventions, des bourses et des résidences, notamment du Conseil des Arts du Canada, du CRSH – Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, du CALQ – Conseil des arts et des lettres du Québec, et du Graduiertenstipendium de la Filmuniversitaet Babelsberg.
- Becoming Air, 2024 (à venir)
- Baigal Nuur – Lake Baikal, 2023
- La grogne, 2021
- The Fourfold, 2020
- Nutag-Homeland, 2016
- Tears of Inge, 2013
- Tengri, 2012
❝ Dans de nombreux systèmes de croyances autochtones, la terre est sacrée et la terre est souvent considérée comme un être vivant, appelée Terre mère, qui entretient la vie et est profondément vénérée. La croyance selon laquelle les humains, les animaux, les plantes et les éléments naturels sont tous profondément entrelacés et interconnectés reflète la pensée et les croyances animistes. Cette relation est ancrée dans le respect, la réciprocité et le sens de l’intendance, la terre étant considérée comme une entité sacrée et vivante qui subvient aux besoins de la population et est soutenue par elle. L’animisme insiste sur le fait que le monde naturel doit être traité avec un grand respect et mérite d’être vénéré. Cette idée remet en question le dualisme cartésien, qui a contribué à façonner les fondements de la pensée occidentale moderne, où il existe une séparation stricte entre la nature et la culture, l’esprit et le corps, l’humain et le non-humain, l’animé et l’inanimé. Alors que le dualisme cartésien place l’homme au-dessus et à l’écart du monde naturel, l’animisme considère l’homme comme interconnecté avec tous les êtres vivants et non vivants, qui possèdent tous une conscience et une action. Cette perspective animiste promeut une vision relationnelle et éthique de l’existence, s’opposant directement aux implications mécanistes et anthropocentriques du dualisme cartésien.
À l’ère de l’Anthropocène et de la dégradation rapide de l’environnement induite par l’homme, l’idéed’animisme est plus pertinente que jamais dans notre époque contemporaine. Mon court métrage d’animation The Fourfold (2020), créé dans le cadre de la résidence d’artiste La Manufacture de Films de Main Film , explore les thèmes de l’animisme. Il est basé sur des rituels chamaniques et des croyances animistes racontés par ma grand-mère, qui vivait en tant que nomade dans les prairies de Mongolie. En utilisant des animations peintes à la main et des matériaux mixtes, le film récupère le concept d’animisme d’une vision colonialiste archaïque, en le réadressant comme une relation entre l’humain et le non-humain dans le contexte actuel de détérioration de l’environnement et de changement climatique.
Dans une scène, le film dépeint un rituel nomade traditionnel de libation de lait pratiqué par les peuples Mongols. Cette cérémonie consiste généralement à verser du lait dans un récipient ou directement sur le sol en guise d’offrande à la Terre mère, à la nature, à Tengri et aux ancêtres. Dans cette partie de l’interview en voix off, ma grand-mère explique que le lait est considéré comme un trésor dans les cultures nomades. Le lait a une valeur culturelle et symbolique importante dans la société mongole, notamment en raison du mode de vie pastoral des nomades et de leur dépendance à l’égard du bétail (chevaux, vaches, yaks et chameaux). La cérémonie de la libation de lait est souvent organisée lors d’événements religieux et culturels importants, tels que les rituels et festivals saisonniers, y compris le solstice d’été. La cérémonie est considérée comme un moyen d’établir un lien avec la nature et le monde spirituel, d’honorer et de respecter la nature et la Terre nourricière, de rechercher la prospérité et de demander l’harmonie pour la communauté ou les individus concernés. Les rituels décrits dans le film, y compris celui décrit ici, sont des actes de performance par lesquels les humains s’engagent dans un monde plus qu’humain, se reconnaissant comme faisant partie de la nature plutôt que comme lui étant supérieurs ou la contrôlant.
Une réflexion plus approfondie sur le court-métrage est disponible dans l’article « The Fourfold : Reclaiming Animism », publié dans le Journal Public, n° 69, 2024, pp. 30-35.
Baigal Nuur-Lake Baikal (2023), un autre court métrage primé de Telengut, explore la formation du lac Baïkal en Sibérie, le lac d’eau douce le plus profond et le plus ancien du monde, en réfléchissant à la relation entre l’homme et la nature qui est ancrée dans la langue autochtone de cette région. La formation du lac est réimaginée au moyen d’animations peintes à la main et d’objets trouvés, avec la voix d’une femme autochtone qui évoque des mots de sa langue bouriate (un dialecte mongol), en voie de disparition. Cape Burkhan/Shaman Rock/Shamanka, un site sacré pour le peuple bouriate sur l’île d’Olkhon, est représenté à l’aide de divers matériaux tangibles recueillis pendant la production du film en Allemagne, à près de 7 000 km du lac Baïkal. L’historicité immatérielle du lac est explorée de manière non anthropomorphique par le biais d’une animation image par image peinte à la main, mêlant des objets trouvés tels que du quartz et des pierres, collectés à la fois dans la nature et par le biais de relations personnelles. Certains morceaux de quartz ont été récoltés à la main dans les Alpes par un ami connaissant bien la géologie de la région. L’animation met l’accent sur les processus élémentaires et naturels qui ont formé le lac, en se concentrant sur la vie au-delà de l’action humaine. L’imagerie non anthropocentrique – les étoiles, le soleil, les rochers et la flore peints à la main – représente un flux de vie vitaliste, suggérant que le lac n’est pas simplement un paysage ou une ressource pour l’utilisation humaine, mais un système vivant et continu avec sa propre histoire matérielle et sa propre action. ❞
Alisi Telengut
#MAINARTIST
Notre organisme est un centre d’artistes engagé à soutenir sa communauté dans son ensemble, sans aucune distinction.
Au-delà des simples déclarations de solidarité contre le racisme suite aux événements de l’été 2020, mais également contre les actes racistes plus récents et ceux qui perdurent historiquement, il nous est apparu comme essentiel d’offrir une place à nos membres afin qu’ils·elles expriment leurs ressentis face aux discriminations qu’ils.elles vivent et qui pourraient être fondées sur la couleur de peau, les origines, l’orientation sexuelle, leur genre ou un handicap.
Nous les invitons donc à partager leurs réflexions face à ce drame sociétal que constitue toutes formes de rejet de l’autre.
Notre 27ème artiste à contribuer est Alisi Telengut.
#MainArtist #ArtisteImportant
Car ce sont les artistes qui portent à la fois le rôle de représenter la société et de la faire évoluer.