Anne Koizumi

#MainArtist du mois de juillet, Anne Koizumi nous partage ici une rétrospective sur son enfance et le deuil qui, au fil des années, sont devenus une source de création, notamment pour son film In the Shadow of the Pines.

Anne Koizumi est une cinéaste indépendante et une éducatrice en arts médiatiques. Elle a terminé ses études de premier cycle en production cinématographique à l’University of British Columbia et sa maîtrise en production cinématographique à l’Université York en 2011. En 2006, elle a été invitée par l’Office National du Film du Canada à participer à Hothouse 3, un programme intensif d’animation pour les animateur·trice·s émergent·e·s, où elle a réalisé son premier film professionnel, A Prairie Story. Ses films ont été projetés à l’échelle nationale et internationale, notamment à Hot Docs, au Festival international d’animation d’Ottawa, à Annecy, au SFFIM, à Slamdance et au Festival international d’animation de Londres. Son film le plus récent, In the Shadow of the Pines, a remporté le prix du meilleur court métrage d’animation au SFFILM, le prix du meilleur court métrage narratif et le prix du meilleur court métrage canadien au Festival international d’animation d’Ottawa 2020. Elle a donné des ateliers d’animation à l’ONF, au TIFF Bell Lightbox, dans des hôpitaux et des centres communautaires de Toronto, ainsi qu’à la Quickdraw Animation Society de Calgary, en Alberta.

Filmographie :
  • In the Shadows of the Pines, court-métrage documentaire (8 min)
  • A Prairie Story, court-métrage d’animation (1 min), 2006
    • À visionner sur l’ONF

#MAINARTIST

Notre organisme est un centre d’artistes engagé à soutenir sa communauté dans son ensemble, sans aucune distinction.

Au-delà des simples déclarations de solidarité contre le racisme suite aux événements de l’été 2020, mais également contre les actes racistes plus récents et ceux qui perdurent historiquement, il nous est apparu comme essentiel d’offrir une place à nos membres afin qu’ils·elles expriment leurs ressentis face aux discriminations qu’ils.elles vivent et qui pourraient être fondées sur la couleur de peau, les origines, l’orientation sexuelle, leur genre ou un handicap.

Nous les invitons donc à partager leurs réflexions face à ce drame sociétal que constitue toutes formes de rejet de l’autre.

Notre dix-huitième artiste à contribuer est Anne Koizumi.

#MainArtist #ArtisteImportant

Car ce sont les artistes qui portent à la fois le rôle de représenter la société et de la faire évoluer.


❝ Enfant, je voulais rentrer dans les cases.
Je ne voulais pas que les gens pensent que j’étais différente, et je ne voulais vraiment pas que mes amis sachent que le concierge de l’école était mon père !
Lorsque j’étais en deuxième année, un camarade de classe a été malade et mon père a été appelé par l’interphone pour venir faire le nettoyer après lui. Lorsqu’il est entré dans la pièce, j’ai fait semblant de chercher un crayon par terre pour que les autres enfants ne découvrent pas que c’était mon père.
J’avais tellement honte de son anglais approximatif, de son extérieur rude, de sa « japonité ». Je voulais qu’il soit un père qui porte un costume, une mallette et se rende en voiture à son travail dans un bureau du centre-ville.
Mais à l’époque, il était si difficile de comprendre et d’assimiler mes sentiments.

Explorer la honte de mon enfance en réalisant un film

À l’âge adulte, j’ai fini par comprendre la complexité des expériences vécues par un parent. Aujourd’hui, je sais que les choix ne sont pas faits en fonction du fait que l’enfant va ou non ressentir de la honte. Ils sont faits parce qu’ils sont nécessaires.
Je n’ai pas vraiment approfondi ces sentiments de honte jusqu’au décès de mon père en 2012.
À partir du moment où il est parti, j’ai eu envie d’établir avec lui des liens que je n’avais pas pu avoir de son vivant. Comment lui dire que je suis désolée ? Ou que maintenant, je vois tout ce qu’il a fait pour nous ?
La réalisation de mon court-métrage documentaire, In the Shadow of the Pines, a été un moyen d’essayer d’établir un lien avec mon père, même après sa mort.
J’avais déjà envisagé de faire de mes récits personnels le sujet de mon travail, mais j’avais peur de poursuivre et de découvrir les histoires que, pendant de nombreuses années, j’avais essayé de cacher.
La réalisation de ce film a été très difficile. J’ai dû faire face à tant de chagrin et de perte. J’ai dû faire face à ma propre honte et à ma culpabilité. J’ai tellement pleuré en faisant ce film; il m’arrivait de me mettre à pleurer en fabriquant un décor ou un accessoire.
Il n’est jamais facile de se forcer à affronter des émotions et des souvenirs difficiles. Cela prend du temps. Dans mon cas, cela a pris plus de trois ans.

Exprimer ma vérité

C’est un sentiment étrange que de partager avec le monde une histoire que j’ai essayé de cacher pendant si longtemps.
À ma naissance, mes parents m’ont donné un deuxième prénom japonais, Mayuko. C’est mon deuxième prénom légal. Les caractères qu’ils ont choisis sont 真由子.
Le premier caractère signifie « vérité », le deuxième provient du mot « liberté » (自由) et le dernier signifie « enfant ». Ma mère m’a dit qu’elle avait choisi les caractères à partir de l’expression : la vérité vous rendra libre.
Pour moi, faire ce film, c’était révéler ma propre vérité sur la honte que j’ai ressentie quand j’étais enfant. Cet acte m’a permise de me réapproprier l’histoire de mon père et la mienne. Et sans vouloir paraître trop cliché, il y a tellement de liberté dans tout cela.