Jonathan Cortés

Le #MainArtist d’avril, Jonathan Cortés souligne son passé et comment celui-ci est représenté, nous incitant à repenser nos définitions des termes, à nous renouveler dans la lutte et à toujours nous rappeler pour qui nous œuvrons. En plus de sa contribution au forum #MainArtist, Jonathan, finissant de notre programme PRISME, se joint à l’équipe de Main Film dans le cadre de la Résidence en Développement du programme, en partenariat avec le FMC, Téléfilm et la Coop Vidéo, au cours de laquelle il développera son prochain long-métrage !


Jonathan Cortés est un artiste de la relève, scénariste, réalisateur et producteur colombo-canadien qui habite à Montréal. Né à Medellín, où il a étudié en publicité, il a ensuite déménagé à Montréal pour poursuivre ses études en audiovisuel, parmi lesquelles, il a fait un Certificat en scénarisation cinématographique à l’UQAM et des études techniques en plateau de tournage. Son projet final intitulé « 11 » a été choisi parmi plus de 40 projets pour être tourné aux studios MELS de Montréal. Quelques années plus tard, après avoir travaillé comme assistant monteur chez MELS sur plusieurs projets de fiction de l’industrie québécoise, il décide de poursuivre son objectif professionnel de devenir réalisateur et scénariste, pour lequel il part à Barcelone, Espagne, pour faire un Master en réalisation cinématographique. Son projet final de Master, Je m’appelle Alba, qu’il a écrit, réalisé et coproduit, a fait partie de la sélection officielle de nombreux festivals internationaux et a remporté cinq prix dans trois de ces festivals.

En 2021, grâce aux bons résultats de son projet précédent, la société de production DosMentes de Barcelone a décidé de coproduire son nouveau court-métrage, El último macho, qui est terminé et en phase de distribution.

Récemment, Jonathan a fait partie de la Coalition Média avec son projet L’enfant Jésus, ainsi que de la résidence PRISME avec le même projet. Il a également obtenu une bourse du CALQ pour le développement de son court-métrage Langue Maternelle. De plus, il a été choisi comme membre de la délégation de la Coalition Média qui participera à la Berlinale 2025. Actuellement, Jonathan est l’un des producteurs de Ready2Post. Ces réalisations marquent des étapes importantes dans sa carrière.

Sa recherche en tant qu’artiste est basée sur l’exploration de la complexité humaine, cherchant à réfléchir sur l’individu et son rôle dans la société à travers ses œuvres.


Filmographie

  • When I Grow Young, court métrage fiction, 20 min (post-production)
  • Le Dernier Macho, court métrage fiction, 18 min (2024)
  • Je m’appelle Alba, court métrage fiction, 12 min (2020)
  • The Gold Inside, court métrage documentaire, 22 min (2015)
  • 11 (Onze), court métrage fiction, 5 min (2013)

Mon cinéma aux temps de la diversité

Était-il inévitable que mon cinéma soit marqué par mon identité ?

On dit souvent que notre milieu, celui du cinéma, est de plus en plus difficile. Pourtant, je pense que c’est le contraire : faire du cinéma a toujours été et demeurera nager à contre-courant. Non seulement parce que c’est un milieu extrêmement compétitif, mais aussi parce que le cinéma que je fais, celui que je veux faire, semble condamné à être toujours marqué par une étiquette : diversité. Comme si, avant d’être cinéaste, j’étais d’abord une couleur de peau, un accent, une origine.

Autrefois, le cinéma était un privilège réservé à une élite, à ceux qui pouvaient se permettre d’acheter le matériel et d’accéder aux espaces où les films étaient réalisés. Aujourd’hui, pratiquement n’importe qui peut faire du cinéma, mais il n’a jamais été aussi difficile de faire en sorte que ce cinéma soit vu.

Ici, au Québec, et en général au Canada, les institutions ont accompli un travail immense pour réduire les inégalités, surtout ces dernières années, après des mouvements comme Black Lives Matter. La disparité existe encore, mais nous vivons dans une société beaucoup plus disposée à la combler, et cela constitue déjà une grande avancée. Cependant, dans ce processus, on nous a également transformés en catégories. On nous a humanisés en nous donnant de l’espace, mais on nous a déshumanisés en nous étiquetant. Nous sommes des « cinéastes de la diversité », mais la diversité n’est-elle pas la norme dans le monde ?

En Colombie, où j’ai grandi, la différence ne se marquait pas seulement par la peau. Nous étions différents à bien d’autres égards : le quartier d’où nous venions, la façon de nous habiller, nos goûts musicaux, notre talent pour les sports, le groupe des intelligents à l’école, les plus disciplinés, la popularité, la manière de parler ou même la façon dont nous nous comportions en public. Nous étions de classe basse, haute ou moyenne ; au sein de la moyenne, nous étions plus moyenne haute ou plus moyenne basse. Nous étions de gauche, de droite, chrétiens protestants, catholiques, du quartier d’ici ou de la rue de là. Ces différences nous regroupaient ou nous isolèrent, créant des identités, des tribus, des formes d’appartenance ou d’exclusion. Nous n’étions pas seulement des couleurs ; nous étions une multitude de nuances qui nous plaçaient, inévitablement, à l’intérieur ou à l’extérieur de quelque chose.

Je suis né à Medellín dans les années 80, celle du cartel de Medellín, une ville tellement violente que nous, les enfants, étions entraînés par nos propres parents à nous jeter au sol dès que nous entendions des tirs. Ce n’était pas de la fiction. Ce n’était pas le cinéma. C’était la réalité. J’ai grandi en voyant de la violence dans la rue et à la télévision, écoutant des explosions, voyant des corps avec des trous là où il y avait des visages. Des gens qui, d’une minute à l’autre, étaient pleins de vie et, la suivante, gisaient dans la rue, le corps défiguré. Quelqu’un arrivait toujours pour leur mettre une couverture blanche dessus afin que les curieux ne voient pas ces images terrifiantes, mais il était trop tard : ces images restaient gravées dans nos mémoires. Grandir dans ce contexte m’a poussé à m’intéresser à ce qu’il y a de plus complexe : l’humanité. Cette contradiction entre ce que nous sommes et ce que nous voulons être. La lutte constante entre le bien et le mal, l’amour et la mort, l’espoir et la peur.

Aujourd’hui, je crois profondément que le monde va mieux qu’il y a cent ans. Même mieux qu’il y a quarante ans, quand je suis né. Nous avons progressé et régressé, car l’utopie est impossible : chaque personne sur cette Terre a la sienne propre et si quelqu’un réussit à imposer la sienne, alors ce sera l’utopie de l’un et non celle de tous qui régnera.

En ce moment, sur le point de devenir père pour la première fois, ayant vécu dans plusieurs pays, changé de carrière et tracé mon propre chemin, je comprends les avancées. Je saisis l’importance de parler de nous, de nous rendre visibles. Mais je rêve aussi du jour où mon cinéma ne sera pas perçu comme « cinéma divers », mais simplement comme cinéma. Que les gens écoutent nos histoires et non nos accents. Qu’ils voient nos films et non la couleur de notre peau.

Je me demande combien de temps durera cette lutte.

Et je me réponds : toute la vie.❞

Jonathan Cortés

#MAINARTIST

Notre organisme est un centre d’artistes engagé à soutenir sa communauté dans son ensemble, sans aucune distinction.

Au-delà des simples déclarations de solidarité contre le racisme suite aux événements de l’été 2020, mais également contre les actes racistes plus récents et ceux qui perdurent historiquement, il nous est apparu comme essentiel d’offrir une place à nos membres afin qu’ils·elles expriment leurs ressentis face aux discriminations qu’ils.elles vivent et qui pourraient être fondées sur la couleur de peau, les origines, l’orientation sexuelle, leur genre ou un handicap.

Nous les invitons donc à partager leurs réflexions face à ce drame sociétal que constitue toutes formes de rejet de l’autre.

Notre 32ème artiste à contribuer est Jonathan Cortés.

#MainArtist #ArtisteImportant

Car ce sont les artistes qui portent à la fois le rôle de représenter la société et de la faire évoluer.