Nakitta Hannah

#MainArtist du mois d’avril, Nakitta Hannah partage son parcours personnel et son histoire, nous invitant à traverser son point de vue et à incarner le changement dans les récits que nous souhaitons voir, entendre et vivre à l’écran.

En plus de sa contribution à la tribune #MainArtist, Nakitta se joint à l’équipe de Main Film dans le cadre du programme DémART du Conseil des Arts de Montréal, au cours duquel elle développera son prochain documentaire !

Nakitta Hannah est une réalisatrice, scénariste et productrice basée à Montréal qui se concentre sur les documentaires, les films expérimentaux et les installations. Elle est titulaire d’une maîtrise en production cinématographique de l’Université Concordia et a présenté son dernier court métrage aux Black Film Festivals de Toronto, Halifax, Ottawa, Calgary, Montréal et Vancouver. Les œuvres de Nakitta reflètent son point de vue critique sur les questions de genre, de race et de classe, et font souvent référence à la culture et à la collectivité. Sa pratique artistique explore la représentation et l’identité des groupes opprimés dans les récits cinématographiques.

Filmographie :
  • I Came To Give Us Life,Documentaire, 30 min, Canada et Brésil, en cours de réalisation
  • Dear Customers, Documentaire, 9.58 min, Zaza Productions, Canada, 2022
  • How do You Wash It?, Installation vidéo, boucle, Canada, 2019

 

https://nakittahannah.com/


❝ Lorsque Main Film m’a offert l’occasion de parler de discrimination, je me suis demandée comment je pourrais contribuer de manière significative au discours en cours et aux thèmes déjà explorés par de nombreux artistes que j’admire profondément. Finalement, j’ai réalisé que le fait de partager des fragments de mon parcours personnel aurait la plus grande résonance. En tant que femme noire originaire du Brésil, j’offre des perspectives sur l’identité noire qui échappent souvent au Canada, où les conversations sur les vies noires tournent principalement autour de l’Amérique du Nord. Il en va de même au Brésil, où vit la plus grande population noire en dehors de l’Afrique. Il y a beaucoup à découvrir sur l’histoire de l’esclavage au Brésil et sur ses effets persistants dans les discussions sur la décolonisation à l’heure actuelle.

L’histoire de ma famille a commencé lorsque ma mère, originaire de Boqueirão dans le nord-est du Brésil, s’est installée à Rio de Janeiro en 1978, suivant son premier mari, qui était parti à son insu. Son arrivée a coïncidé avec les stratégies gouvernementales de modernisation visant à transformer le sud-est en centre industriel du pays, ce qui a incité des personnes comme ma mère à chercher de meilleures opportunités hors du nord-est aride. Lorsque ma mère est arrivée à Rio à l’âge de vingt-deux ans, portant celle qui allait devenir ma sœur, elle s’est réfugiée à Vidigal, où sa belle-sœur et d’autres habitants du Nord-Est s’étaient installés. Ma mère vivait dans une maison en bois sans eau courante, ni électricité, ni même une salle de bain pour mes sœurs aînées. Les favelas comme Vidigal manquaient d’infrastructures de base et le gouvernement ne leur accordait que peu d’attention. Les favelas brésiliennes ont vu le jour après la fin de l’esclavage, qui n’a pas assuré leur prospérité dans le nouveau paysage socio-économique et politique. Cette situation a donné naissance à une classe marginalisée confrontée à des taux de chômage élevés et à un accès restreint au logement. Les personnes sans ressources ont migré vers des terrains inoccupés, principalement les collines des villes, où elles ont érigé des favelas. Avec le temps, les constructions permanentes ont remplacé les squats, mais les habitants des favelas sont toujours considérés comme des citoyens de seconde classe. Après le divorce de ma mère, elle a rencontré mon père, originaire de Rio et descendant de la population noire ayant été victime de l’esclavage. Leur histoire a conduit à ma naissance en 1991, au milieu de la transition du Brésil vers une démocratie fragile. Née dans la tapisserie vibrante du Brésil, mes premières années ont été imprégnées des riches nuances de la culture et de la communauté, mais assombries par le spectre omniprésent du racisme et de la discrimination. Des unités de police militarisées comme le BOPE, inspirées du SWAT américain, ont exacerbé la situation, diffusant la violence et perpétrant des meurtres injustes sous le couvert de la guerre contre la drogue. Malgré les adversités, l’éducation s’est imposée comme mon guide, offrant une voie vers la libération et l’espoir de sortir de la pauvreté générationnelle. Les initiatives d’action d’affirmation telles que l’école publique gratuite et les bourses d’études m’ont permis de devenir le premier membre de ma famille à obtenir un diplôme et même à voyager à l’étranger. Je portais en moi les espoirs et les rêves des générations passées, ce qui témoigne du pouvoir de transformation de l’éducation pour briser les chaînes de la pauvreté et de la marginalisation intergénérationnelles. Faisant écho à la trajectoire de ma mère, j’ai cherché des opportunités supérieures ailleurs. C’est ainsi que je me suis retrouvée à Montréal, où je me suis inscrite au programme de maîtrise de l’Université Concordia.

Après près de sept ans à Montréal, au cours desquels j’ai rempli diverses conditions pour m’adapter à cette nouvelle société et navigué dans un processus difficile pour obtenir ma résidence permanente, j’ai reçu mon premier financement gouvernemental pour poursuivre mes projets cinématographiques. Ce financement provient de démART-Mtl et de Vivacité, des programmes spécialement conçus pour les artistes immigrants de diverses cultures. Grâce à ces programmes, j’aurai l’occasion de collaborer avec Main Film, de me lancer dans la recherche d’un nouveau documentaire dans les mois à venir et, enfin, de terminer un film sur lequel je travaille depuis cinq ans. En tant que scénariste et réalisatrice, je cherche à remettre en question les récits étriqués et à amplifier les voix comme la mienne, en reconnaissant que nos histoires méritent d’être entendues, célébrées et honorées. Ce voyage ne signifie pas la fin heureuse vantée par la méritocratie, mais plutôt le commencement tant attendu auquel j’ai inlassablement aspiré. Dans cette quête d’une représentation élargie, je trouve du réconfort dans la puissance des voix collectives et dans la conviction que nos récits peuvent inspirer le changement.
Nakitta Hannah

#MAINARTIST

Notre organisme est un centre d’artistes engagé à soutenir sa communauté dans son ensemble, sans aucune distinction.

Au-delà des simples déclarations de solidarité contre le racisme suite aux événements de l’été 2020, mais également contre les actes racistes plus récents et ceux qui perdurent historiquement, il nous est apparu comme essentiel d’offrir une place à nos membres afin qu’ils·elles expriment leurs ressentis face aux discriminations qu’ils.elles vivent et qui pourraient être fondées sur la couleur de peau, les origines, l’orientation sexuelle, leur genre ou un handicap.

Nous les invitons donc à partager leurs réflexions face à ce drame sociétal que constitue toutes formes de rejet de l’autre.

Notre 24ème artiste à contribuer est Nakitta Hannah.

#MainArtist #ArtisteImportant

Car ce sont les artistes qui portent à la fois le rôle de représenter la société et de la faire évoluer.