Ayana O’Shun

Née à Montréal, Ayana O’Shun est diplômée en Cinéma à l’Université de Montréal. Elle a travaillé quelques années à Téléfilm Canada dans le département de télévision comme analyste en investissement. Elle a développé et produit différents projets, comme Les Mains noires – Procès de l’esclave incendiaire, qui a été financé par ICI Radio-Canada, RDI, la SODEC et l’ONF. Réalisé par Ayana, le film raconte le procès de Marie-Josèphe Angélique, une esclave noire accusée d’avoir incendié Montréal en 1734. Le documentaire a été sélectionné dans plus de 40 festivals nationaux et internationaux. Il a d’ailleurs remporté des prix dont le Prix Dikola pour «Meilleur Film Documentaire », au Festival International PanAfricain de Cannes et gagnant du prix du « Meilleur Film Étranger » au Festival Écrans Noirs de Yaoundé. Ayana poursuit la réalisation avec le court-métrage de fiction Lazyboy. Cette comédie dépeint une femme au bord de la crise de nerfs sur le fauteuil lazyboy de sa psychologue. La comédie a eu sa première au Festival Du Nouveau Cinéma de Montréal, pour ensuite être achetée par les diffuseurs TV5 et Télé-Québec. Ayana a aussi réalisé plusieurs courts-métrages comme le documentaire Médecins sans résidence, produit par l’ONF. Il dépeint comment des barrières systémiques empêchent des médecins formés à l’étranger d’exercer au Canada – même lorsqu’ils ont obtenu une attestation de compétence des autorités médicales canadiennes. Le film a été le documentaire le plus visionné sur le site de l’ONF pendant plusieurs semaines. Il y a quelques années, Ayana est parmi les lauréats de « La Table de l’Histoire des Noirs de Montréal » pour ses avancées dans le milieu des arts. En outre, au Banff World Media Festival de 2019, Ayana est l’une des créatrices sélectionnées à travers le Canada pour le programme “Netflix Diversity of Voices”. D’autre part, Ayana a récemment reçu l’appui financier de Téléfilm Canada et du Fonds Rogers pour la production de son long-métrage documentaire Le Mythe de la Femme noire, dont la sortie est prévue en 2021. Elle travaille aussi sur plusieurs autres projets en développement financés par les institutions. Enfin, Ayana O’Shun est aussi une actrice ayant joué dans une quarantaine de productions en cinéma, télévision, théâtre et publicité. Que ce soit derrière ou devant la caméra, l’objectif de cette artiste est de créer des histoires fortes qui promeuvent la connexion entre les gens et les peuples, tout en brisant des barrières de sexe ou de race, par l’identification aux expériences des personnages. La liberté, la vérité, le respect et la fraternité sont parmi les valeurs fondamentales qui sous-tendent toutes ses oeuvres.

  • Les Mains noires, docu-fiction, prod. Bel Ange Moon, 2010.
  • Médecins sans résidence, court-métrage de docu-fiction, prod. ONF, 2010.
  • Lazyboy, court-métrage de fiction, prod. RFAVQ, 2012.
  • Le mythe de la femme noire, long métrage documentaire, prod. Bel Ange Moon, 2021.

 


#MAINARTIST

Notre organisme est un centre d’artistes engagé à soutenir sa communauté dans son ensemble, sans aucune distinction, dans la création cinématographique indépendante.

Notre force ce sont nos membres. Ils constituent notre essence même.

Suite aux événements récents, il nous est apparu comme essentiel de leur offrir une place afin qu’ils expriment leur ressenti face aux discriminations qu’ils vivent de par leur couleur de peau, leurs origines, leur orientations sexuelle, leur genre, et partagent leurs réflexions face à ce drame sociétal que constitue toutes formes de rejet de l’autre.

Chaque mois, Main Film donnera la parole à ses membres pour qu’ils vous partagent leurs réflexions sur les discriminations auxquelles ils font face. 

Notre septième artiste à contribuer est Ayana O’Shun.

#MainArtist #ArtisteImportant

Car ce sont les artistes qui portent à la fois le rôle de représenter la société et de la faire évoluer.


❝  Juillet 2020. Jour. Je suis debout dans un stationnement privé, penchée vers le siège arrière de ma voiture pour récupérer des sacs. J’entends une auto passer et quelqu’un me hurle avec hargne : « Négresse! ». Je fige : Suis-je en danger ? Dois-je fuir ? Me battre ?
Une demi-seconde a passé et l’auto est partie. Je reste penchée. Je me sens sale, comme si on m’avait vomi dessus. Le temps et l’espace s’évanouissent pour une autre demi-seconde, qui semble une éternité : je vois défiler des images violentes du sud des États-Unis avec son lot de lynchages, des visages de Noirs mis en esclavage, aux yeux pétris de douleur…
Je me relève brusquement et regarde la rue. Je suis à Montréal. L’auto a disparu, je suis seule. On m’a toujours dit que comme femme noire, je devrais travailler plus fort que les autres à tous les niveaux pour avoir un minimum acceptable, et pour être «tolérée». Mais peu importe les accomplissements, n’importe quel ignorant pouvait envoyer des insultes par la fenêtre de son auto pour dénigrer et tenter d’établir son rapport de domination.
Combien de stratégies faut-il inventer pour survivre à des agressions ? Imaginez que vous regardez des rouges à lèvres dans la section cosmétique d’une pharmacie et que la vendeuse insinue que vous êtes là pour voler des échantillons. Imaginez que vous venez de faire une mauvaise chute et qu’en visite à la clinique d’urgence, le médecin refuse de vous diagnostiquer comme il faut car il connaît votre genre (un autre docteur a finalement diagnostiqué des fractures 3 mois après l’événement). Ou vous êtes dans un souper de collègues et une personne fait une «joke de Noirs» puis vous lance : «toi t’es pas pareille…».
J’ai vécu ces situations et bien d’autres. Des proches, amis et connaissances ont vécu des choses bien pires, peu importe leurs métiers, niveaux d’éducation, classe sociale ou notoriété.
C’est pourquoi Black Lives Matter (BLM) est si essentiel. BLM constitue le mouvement le plus important de la cause noire, depuis les revendications américaines des droits civiques du milieu du 20ème siècle. Il veut dire «La Vie des Noirs compte». Vous rendez-vous compte qu’il faille encore affirmer une telle évidence en 2020 ? Qu’il faille valider son existence dans sa plus simple expression et justifier son droit de vivre ? Quand on dit «La Vie des Noirs compte», on parle de vie en opposition à la mort, mais aussi de vie dans toutes ses sphères : santé physique et mentale, expressions artistiques et culturelles, accès au logement et à l’emploi, justice environnementale, etc.
Le mouvement Black Lives Matter a de fortes portées sociales, mais aussi des implications personnelles. J’ai dû me questionner sur ma reconnaissance de moi-même et déconstruire ce qu’on m’avait appris sur l’excellence en vue d’être «tolérée». Jusqu’à comprendre que ma valeur n’est pas reliée à des accomplissements, mais à ma condition humaine. Ma vie compte parce que je vis.
J’ouvre la porte de chez moi et laisse tomber mes sacs sur la table. Je me laisse envelopper par ce havre de paix. Je me rappelle de la chance que j’ai de vivre en ce moment charnière de l’histoire, accompagnée de proches et de collègues prodigieux, issus de toutes races et de tout horizon. Chacun lutte à sa façon : en manifestant, en discutant autour d’eux, en sensibilisant, en élevant leurs enfants, en créant, … Moi c’est en réalisant et en jouant.
J’allume mon ordi et regarde des bouts de montage de mon prochain film comme réalisatrice, Le Mythe de la femme noire : des femmes noires québécoises illuminent mon écran et se racontent. Elles sont lumineuses et diverses. Leurs histoires comptent. J’ai hâte de partager ce long-métrage avec vous en 2021. 
Ayana