22 Juil Malcom Odd
Malcom Odd est un artiste transdisciplinaire qui a complété son baccalauréat en philosophie avec une spécialisation en arts visuels à l’Université de Sherbrooke. Il est actuellement peintre et cinéaste basé à Tio’tia:ke, Montréal. Son premier scénario donne lieu à un documentaire intitulé Portraits: un regard (2017), un documentaire qui met en lumière le parcours de quatre personnes en situation de handicap et leur intégration dans la société. Cet essai a été diffusé sur Bell Fibe TV1. La même année, il est commissaire pour la première exposition d’art autour du Mois de l’histoire des Noirs pour le Centre culturel de Sherbrooke, une des institutions majeures de la culture québécoise. En 2020, en tant que producteur indépendant, il cofonde avec son frère cadet INZU une société de production cinématographique indépendante et écrit et réalise un court métrage intitulé En ta paume (2021) qui fait partie de la sélection officielle des Rendez-vous Québec Cinéma 39e édition, du Festival Afro Urbain de Montréal et du Cinefest de Lisbonne. Cette année, il est également récipiendaire d’une subvention du Conseil des arts du Canada en recherche pour sa prochaine exposition de peinture intitulée Afro-Hivernal.
- En ta paume, 2021.
- Portraits: un regard, 2017.
#MAINARTIST
Notre organisme est un centre d’artistes engagé à soutenir sa communauté dans son ensemble, sans aucune distinction, dans la création cinématographique indépendante.
Notre force ce sont nos membres. Ils constituent notre essence même.
Au-delà des simples déclarations de solidarité contre le racisme suite aux événements de l’été 2020, mais également contre les actes racistes plus récents et ceux qui perdurent historiquement, il nous est apparu comme essentiel de leur offrir une place afin qu’ils expriment leur ressenti face aux discriminations qu’ils vivent de par leur couleur de peau, leurs origines, leur orientations sexuelle, leur genre, et partagent leurs réflexions face à ce drame sociétal que constitue toutes formes de rejet de l’autre.
Chaque mois, Main Film donnera la parole à ses membres pour qu’ils vous partagent leurs réflexions sur les discriminations auxquelles ils font face.
Notre onzième artiste à contribuer est Malcom Odd.
#MainArtist #ArtisteImportant
Car ce sont les artistes qui portent à la fois le rôle de représenter la société et de la faire évoluer.
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Le mouvement Black Lives Matter (2013) mené par Alicia Garza, Patrisse Cullors et Opal Tometi est devenu planétaire en concentrant nos attentions sur les effets du racisme systémique et de son exécution par la brutalité policière. Trois mots qui paradoxalement m’ont fait réaliser que je n’étais plus spécial. À leur rencontre, je suis devenu noir, tout d’un coup. En tant que minorité visible en sol canadien depuis ma naissance, j’avais pris l’habitude d’être marginalisé pour plusieurs raisons et en tant qu’artiste, j’ai souvent su en tirer profit. Reste que cette courte formule de trois mots contenait une chose qui m’était difficile à saisir auparavant, c’est-à-dire mon racisme internalisé.
« La vie est toujours douloureuse pour les gens qui aiment ceux qui les excluent et méprisent ceux qui les acceptent. » – Ahmadou Kourouma
Les racistes haïssent qu’on les ignore, et pour être digne devant eux, j’avais commencé à concrétiser ma vie autour du faible concept de justice, je travaillais dans l’ombre pour une forme de All Lives Matter, j’avais accepté le fait populaire et bien réel qu’en tant qu’immigrant, j’allais travailler deux fois plus fort pour être reconnu, tout en vivant dans la colère. Je voulais tant être reconnu. Deux fois plus fort, si on est un homme noir ou de couleur, mais combien encore si on est une femme noire.
Le grand penseur et sociologue afro-américain W.E.B Dubois écrivait à ce sujet dans les mes du peuple noir (1903): « Cette conscience dédoublée, ce sentiment de constamment se regarder par les yeux d’un autre, de mesurer son âme à l’aune d’un monde qui vous considère comme un spectacle, avec un amusement teinté de pitié méprisante ». Combien de morts ai-je été témoin, des dépersonnalisations vécues comme des spectacles jusqu’aux meurtres haineux par des représentants de la loi. Voir les noms de certaines victimes ici et ici. Et encore aujourd’hui nous retrouvons des restes d’enfants enfouis aux pieds d’institution des lois divines. Des génocides sont en cours parce qu’on maintient une majorité dans l’ignorance de son histoire. Je ne veux pas de ce faux privilège.
« La prise de conscience de l’histoire est un double acte : (a) acquérir une conscience de plus en plus aiguë de la profondeur historique du monde tel qu’il a vécu ; (b) et aussi, corrélativement, acquérir une conscience de participer à l’histoire, de faire l’histoire. La conscience historique est de l’ordre de l’éveil, de la possibilité de choix, c’est-à-dire, en bref, l’ordre même de la liberté. Les « accidents » de l’histoire (traite négrière, colonisation, traumatismes économiques, politiques, culturels, psychologiques) ont rendu le peuple africain amnésique : la mémoire historique collective du peuple africain a été atteinte profondément. Cheikh Anta Diop a entrepris une œuvre fondamentale pour la restauration de la conscience historique africaine. » – Théophile Obenga
Je suis désormais plus conscient que mon travail en tant qu’exilé et habitant d’un territoire non cédé est d’abord de décoloniser mon esprit et de me sortir de la nécropolitique qui justifie la violence, la falsification, l’extraction et le capitalisme. Un travail qui me donne à voir et apprécier la joie, l’esprit critique, la résilience, le féminisme radical et le vitalisme africain que ma famille a cultivé en moi. D’abord, revaloriser cet héritage et ensuite mon intention sera de poursuivre une vie digne sans me justifier d’exister à qui que ce soit.
« Unless one lives and loves in the trenches, it is difficult to remember that the war against dehumanization is ceaseless. » – Audre Lorde
Pour y arriver, en tant qu’artiste noir transdisciplinaire et producteur indépendant, le cinéma est l’une des formes que je privilégie pour développer une relation concrète avec ces sujets complexes. Avec cette forme, mes pratiques solos comme la philosophie, la peinture, la photo, la musique et la poésie trouvent leur forme collaborative entre esthétique, éthique et politique. En les englobant presque tous, le cinéma en tant qu’une des plus vieilles formes d’art demeure ainsi un lieu d’alchimie toujours dangereux qui demande à être continuellement pansé. Apprenti médecin de l’âme artistique, j’essaie donc de me pencher sur les types de maux, les types de soins et les types de besoins qui se présentent à moi tout en ayant en tête mes confrères et consœurs. J’ai commencé à faire mon cinéma dans cette optique pour aider à régénérer la multiplicité des langues intérieures, les rendre appréciables. J’ai aussi voulu me rapprocher de ma langue maternelle et avoir confiance en moi pour maintenir vivant un dialogue vibrant avec nos aïeux, nos plus jeunes et nos ancêtres qui me transmettent des histoires à raconter.
« Strong communities are born out of individuals being their best selves. » – Leanne Betasamosake Simpson
Merci à mes proches, Main Film, Leïla Oulmi et Miryam Charles. ❞
Malcom Odd